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D'étranges rêveries : Ses mots
22 juin 2005

FUCK THEM ALL

LE TEXTE :

La nature est changeante

L'on respire comme ils mentent

De façon ravageuse

La nature est tueuse

Au temps des "Favorites"

Autant de réussites

Pour l'homme qui derrière a...

Une "Belle" qui s'affaire... à

Faire... de leur vie un empire

Blood and tears !

Faire l'amour à Marie

Blood and tears !

Et "Marie" est martyre

Blood and tears

Sur le mur nos soupirs !

REFRAIN :

Fuck them all !

Faites l'amour

Nous la guerre

Nos vies à l'envers

Fuck them all !

Faites l'amour

Nous la guerre

Saigner : notre enfer !

Fuck them all !

Faites l'amour

Nous la guerre

Nos vies à l'envers

Blood and soul

Faites le nous !

Dans le texte

Le sang c'est le sexe

De Nature innocente

L'on manie élégance

Et d'une main experte

D'un glaive l'on transperce

Les discours trop prolixes

Que de la rhétorique

Lâchetés familières

Qui nous rendent guerrières

Refrain

MON ANALYSE :

Dans ce texte assez opaque malgré aussi étrangement explicite, Mylène règle ses comptes … Elle l’avait déjà fait (« Je t’aime mélancolie », « Désenchantée »), mais elle semble, en cherchant bien, dénoncer des points précis … Ce texte est également plus pessimiste, même si elle est également un constat sur le monde, sur sa désillusion … Mais elle ne cherche pas ici « une âme qui pourra m’aider » … Elle est seule face à sa déroute … Aussi, dans cette chanson, les voix sont multiples et le texte même le français à l’anglais, dont le titre, une insulte … Pourquoi ?

Entre autres multiples interprétations (fuite de tourments existentiels, métaphysiques et autres …) de cette nouvelle chanson de Mylène Farmer, tant décriée, il nous semble que la plus aboutie et juste soit celle de la lutte féministe … Si si ! Un ultime chapitre para féministe plus découragé que combatif, d’où sa force et son efficacité !

Eclaircissements …

1 – La dénonciation

Le texte est donc une dénonciation de la condition de

la Femme

… La femme-objet, la femme servile, toutes y passent au peigne fin !

Pour illustrer ce propos des renversements dans l'Histoire, Mylène reprend la figure de la « Favorite », ces femmes choisies par les rois et les puissants pour être leurs maîtresses, mais souvent aussi leurs conseillères. On se souvient ainsi de Mme de Pompadour qui dirigeait

la France

comme une reine par ses judicieux conseils. Ici la femme est à la fois soumise, car dépendante de l'homme (du roi qui verse les pensions par exemple), mais aussi puissante car considérée presque aussi également qu'une reine …

« Au temps des « Favorites » / Autant de réussites »

Ici, ces réussites peuvent être à la fois pour l'homme qui écoute ses favorites et qui récolte le fruit de leurs conseils. Mais aussi pour ces dites favorites qui disposent d'un rang et d'un train de vie tout à fait exceptionnel pour l'époque.

Ainsi, Mylène semble décidément avoir beaucoup lu Virginia Woolf qui disait : « Tous ces siècles, les femmes ont servi de miroirs, dotés du pouvoir magique et délicieux de refléter la figure de l'homme en doublant ses dimensions naturelles. » Se mettre au service de la gente masculine depuis des millénaires est vain … car il ne profite qu’à l’homme qui manipule :

« Pour l'homme qui derrière a ... / Une « Belle » qui s'affaire ... à »

Mylène rappelle encore une fois que la femme, quoi qu'il advienne, qu'elle soit favorite ou non, se retrouve toujours derrière l'homme, à s'occuper de lui, de son foyer et autres... Le terme «Belle» est en effet un terme courtois qui signifie tout simplement femme.

« Faire ... de leur vie un empire »

La femme doit donc «s'affairer» pour l'homme, se plier à ses volontés et faire de son taudis un royaume, de sa vie une joie permanente. La femme est au service de l'homme... De tous temps les femmes ont servi d'apparats pour les hommes, les aidant, grâce à leur simple présence, à conclure une affaire, à paraître plus noble en société. Une condition qui n'a guère changé de nos jours. On pourrait illustrer ceci par la scène où l'homme d'affaire se fait escorter d'une jolie femme devant les photographes dans le clip de « California », décidément habituée à décrier la condition de la femme. La femme doit tout faire pour l'homme, c'est ainsi depuis la nuit des temps. Etre belle, le servir et se taire ...

Ces petits bouts de phrases sont renvoyés à un retour :

« Blood and tears ! »

Tout ceci génère bien entendu «larmes et sang». Larmes pour cette condition de vie nettement pathétique. Et sang pour ce dur labeur à faire en permanence pour son homme.

Nouvel exemple avec « Faire l'amour à Marie » … Ainsi, pour montrer la violence de l'homme envers la femme, notamment sexuelle (puisque parfois dans le couple la femme sert aussi et surtout de poupée gonflable qui exulte les désirs de l'homme), Mylène prend l'exemple le plus extrême : celui de

la Vierge Marie

dont ici on rompt l'hymen : on lui fait l'amour, sacrilège ultime, perte de sa condition de sainte à jamais !!!

S’en suit à nouveau le retour « Blood and tears ! » car n’en résulte là encore du sang et des larmes. Mais cette fois-ci, le sang représente la perte de la virginité de Marie et les larmes succèdent à cette douleur physique. La douleur morale est tout aussi forte !!!

« Et "Marie" est martyre »

La Vierge

ainsi altérée ne peut que devenir martyre. On peut aussi citer ces femmes qui sont lapidées par leurs époux dans certains pays musulmans parce qu'ils ont découverts qu'elles n'étaient plus vierges à leur mariage. Ne pas posséder une femme pour la première fois revient à un péché puni par la mort. Souillure du sexe par le sang. Marie est ici entre guillemets car elle représente toutes les femmes à son seul nom. D'ailleurs c'est la seule femme citée dans toutes les religions, quoi de plus universel que de la mettre en égérie de ce texte qui met en exergue tout ce dont sont capables les hommes contre les femmes !

« Sur le mur : nos soupirs ! »

On retrouve en cette phrase toute la force de l’écriture de Mylène qui mêle, comme dans « Souviens-toi du Jour … » des valeurs abstraites à des faits concrets : elle reprend ici l'image du Mur des Lamentations de Jérusalem. Ici, un mur symbolique qui recueillerait toutes les déceptions des femmes. Mais aussi, par la même phrase une image plus dure qui est celle de ces femmes battues à mort et qui rendraient leur dernier soupir sous les coups, les pierres, contre un mur cette fois-ci bien réel et non plus imagé ... !

On peut d’ailleurs remarquer que Mylène utilise constamment le « Nous » pour parler des femmes en général, ce qui renforce profondément la critique !!!

« De nature innocente / L'on manie élégance »

Cette fois-ci, on ne parle plus de la nature en général, ni de la nature humaine en particulier, mais seulement de la nature féminine. Ici, Mylène la qualifie d'innocente, comme si c'était la définition de la femme. Par exemple, Jeanne d'Arc fit bien rire les Anglais lorsqu'ils la virent approcher dans son armure : une femme ne peut être dangereuse... Ils n'auraient jamais cru qu'elle parviendrait pourtant à les bouter hors du royaume ... Cette phrase est donc aussi un nouveau rappel des fonctions de décoration des femmes, crées uniquement pour enjoliver la vie, si possible celle de l'homme !

« Les discours trop prolixes / Que de la rhétorique / Lâchetés familières »

Les hommes sont trop bavards semble-t-il ici ... Ce qui renvoie d’ailleurs à « L’on respire comme ils mentent qui annonçait la couleur au début ! « L'on » était ici l'ensemble des femmes. De tous temps, elles ont été condamnées à suivre les hommes, à vivre selon le gré de ces derniers. Mylène détourne ainsi le fameux proverbe «Mentir comme on respire». Mentir était la raison de vivre de ces personnes qui ne savent dire un mot sans détourner la vérité (il n’y a qu’à voir le nombre d’hommes politiques par rapport au nombre de femmes). C'est devenu leur seconde nature. Ici, les femmes doivent subir les mensonges et tromperies perpétuels de leurs époux/pères/amants/fils et faire comme si de rien n'était. Les hommes noient le poisson avec leurs beaux discours, les femmes auraient tendance, dit Mylène, à aller plus dans le fondamental, directement, sans enjoliver.

Il est aussi un autre passage clairement dénonciateur : le pont musical, si violent !

“Hey Bitch, you're not on the list

You Witch ! You suck, you bitch ! (they said)

What's your name again”

Dans ce pont musical, Mylène entonne d'une voix grave et parlée ces délicates insultes: «Hé salope, t'es pas sur la liste. Sorcière! Tu crains, salope! (disent-ils). C'est quoi ton nom déjà?».

Un ultime rappel de tout ce que doivent endurer les femmes... «Salope» est en effet une des insultes les plus courantes. D'après de nombreux hommes, la plupart des femmes seraient des « salopes qui ne penseraient qu'à se faire baiser » ...

La liste débitée pourrait être celle des Dom Juan qui ont une liste incalculable de conquêtes, mais aussi les différents castings de mannequins où la femme est traitée en présentoir ! et non en être humain ! D'où aussi le «c'est quoi ton nom déjà ?» signifiant que ces conquêtes ne comptent absolument pas, qu'une fois prises elles ne représentent plus rien...

Cependant, il contient également une autre dimension : plus qu’un constat, c’est une lutte contre la gente masculine … Mais une lutte que l’on ressent par ses mots comme vaine mais aussi futile puisque désespérée … Personne n’y croit ! Il est trop tard ?

2 – Une futile et vaine tentative de lutte

« La nature est changeante »

Ainsi, Mylène annonce directement la couleur dès le premier vers. On va parler de changement, du fait que telle chose qui a toujours eu lieu, qui se répète inlassablement va se transformer, être supplantée par une autre. La loi de

la Nature

en somme qui reprend ce qu'elle donne, qui fait se changer les rôles dans la chaîne alimentaire, le plus fort devient le faible et vice versa. Ici dans la chanson, on l'apprendra plus loin, c'est le rôle proéminent de l'homme qui va être remis en cause. Car il s'agit d'une chanson avant tout sur la nature humaine, bien plus subtile et vicieuse.

« De façon ravageuse / La nature est tueuse »

Ce retournement de situation des femmes sur les hommes sera violent. On le pressent déjà à ces vers. Quand

la Nature

reprend ce qu'elle a offert ou change la donne, cela se fait toujours de manière violente et inéluctable. On a déjà pu le voir à travers l'Histoire. Ici, les femmes doivent lutter face à des millénaires de soumission masculine. Pour renverser la situation, ce sera forcément avec la force. Cependant, Mylène le chantait déjà dans Méfie-toi : «

La Force

est féminine » …

« D'un glaive l'on transperce »

On dit parfois d’une femme qu’elle est une « main de fer dans un gant de velours » ... Voilà qui pourrait qualifier les femmes d'aujourd'hui (et Mylène Farmer doit s'y reconnaître fortement). La femme peut tout aussi bien tuer et les exemples ne manquent pas, il en pullule dans l'histoire et les actualités. Ici, ce transpercement se fait à la fois physiquement et moralement avec l'affirmation des femmes dans la société.

« Qui nous rendent guerrières »

Cette situation ne pouvant plus durer, les femmes sont «stoïques, mais plus pour longtemps» pour reprendre ce vers de « Pas de doute », première chanson de nature féministe de Mylène. Elles décident d'inverser cette donne, de manière plus violente qu'on n'aurait cru d'elles. De fait, on retrouve ceci dans le clip de « Fuck them al » avec cette femme belle en apparence douce qui manie l'épée (symbole phallique par excellence !) et décapite des hommes symbolisés qui ne bougent plus depuis longtemps, lovés dans cette situation ancestrale de leur domination... Mais le chemin sera encore long pour que les femmes obtiennent gain de cause ... !!!

Preuve du renversement de situation voulu aussi … Et le refrain vient d’ailleurs confirmer tout cela …

« Fuck Them All ! »

Ce cri est celui de toutes ces femmes : «Qu'ils aillent tous se faire foutre!». Rendre les coups reçus. Que les hommes subissent eux aussi ce que les femmes ont subi.

« Faites l'amour / Nous la guerre / Nos vies à l'envers »

C’est donc le renversement de la situation : les femmes habituées aux choses de l'amour et les hommes à celles de la guerre doivent inverser leurs rôles. Les femmes partent à la bataille, dans une guerre imagée contre le sexe fort. Une situation qui existe un peu de nos jours avec les femmes qui accèdent aux places importantes et les hommes qui restent au foyer pour s'occuper de leur famille …

« Faites l'amour / Nous la guerre / Saigner : notre enfer ! »

Rappel de tout ce que doivent subir les femmes, jusqu'au sang, jusqu'à la mort dans les cas les plus extrêmes qui ne sont hélas pas rares...

N’oublions pas que rien qu'en France, une femme sur 10 meurt battue par son mari ...

« Blood And Soul »

Nouveau rappel au cas où l'on n'aurait pas encore compris, mais en anglais, dans la langue universelle (pour maux universels ?) avec ce «sang et âme» mêlés : douleur physique et celle de l'esprit.

« Faites-le nous ! / Dans le texte / Le sang c'est le sexe »

Dernière injonction pour demander aux hommes d'officialiser ce retournement de situation, de bien vouloir l'accepter, de l'inscrire noir sur blanc. Et rappel aussi que si du sang doit être versé, il n'y en a qu'un seul de pur : celui de la perte de la virginité par amour et seulement par amour ... !

C’est étrange à dire mais cette chanson m’impressionne … oui, c’est bien le mot … Avec de jolis mots bien choisis et une musique excellente, elle défraie cependant la chronique ! Mélange de faits concrets révoltants et actuels, avec dénonciation de la condition humaine en tant qu’abstraction …

Cependant, je ne pense pas à une provoc’ pour faire parler d’elle mais à une provocation nécessaire … Preuve s’il en est les tentatives de censure qui ne se justifieraient pas si rien ne choquait en ces paroles ! Or, mis à part le « Fuck », ce qui choque est le contenu, le fond !

Bien sûr, le pont musical est violent et peut choquer mais je le pense nécessaire à cette sorte de théâtralisation de la chanson qui vient renforcer son aspect critique et révolté !

Ce texte est donc un constat cruel, mais terriblement réaliste qui font de cette chanson de Mylène l'une des plus ancrées de notre société avec « Désenchantée ». A noter que cette chanson est extrêmement critiquée au sein du grand public : évolution, vous avez dit évolution ?

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D'étranges rêveries : Ses mots
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